La solitude de l'homme
Le dehors est plein de cris.
Le dedans est plein de pleurs.
Enfermé il respire.
C’est venu petit à petit, sans qu’il s’en rende compte. Une sortie en moins. Un message sur son répondeur. Du travail à la maison. Il ne sait plus pourquoi cela a commencé mais aujourd’hui il ne peut plus sortir. Lorsqu’il referme la fenêtre, les bruits s’étouffent et disparaissent. Alors c’est le silence et il se regarde. Nu, il ne voit ses yeux rougies, il ne sent plus son corps qui change, il oublie. Les visages et ses pensées s’évanouissent. Le soleil perce les rideaux de cet appartement. Peut-être que tout a commencé quand elle est partie. Toutes ces années à ne rien voir, à s’aimer, à découvrir son corps, sa peau. Il ne la touchera plus que du regard. Il se souvient de sa tête entre ses mains, de sa langue sur sa bouche, de leurs longues soirées collés l’un à l’autre. Cette fille n’existe plus. C’était un ovni.
A force de longer les murs dans cet appartement, il ne sait plus si il a mal ou si la douleur n’a jamais existé. La fumée de ses cigarettes dessine des compagnons éphémères. Il peut leurs parler sans jamais être jugé. Ils prennent vie, dansent, tourbillonnent autour de lui lors de ses errances nocturnes. Alors la fête peut commencer. Le moindre objet s’anime et rempli son monde ! Les plafonds sont devenus son ciel, le lit l’ami qui le soutient, et les héros de ses livres tourbillonnent dans chaque pièce. Il évite la bouilloire pourtant. A tout moment le couvercle peut sauter contre les parois de son crâne. Alors il se demanderait si toutes ces petites choses existent réellement.
Plus personne ne peut voir ses peurs les plus profondes. Il s’enferme au milieu des bouteilles, de sa lassitude et les miroirs, trop nombreux, le regardent. Qui est cet homme ? Est-ce que tu me vois ? Quelque chose au dedans de lui n’arrive pas à sortir. Il voudrait parler à cet autre, se soulager, s’abandonner. Il le dévisage sans le reconnaître. Il a l’impression que son visage se déforme petit à petit. L’autre crie mais il n’entend rien. L’autre pleure mais il ne sent aucune larme. Il sent sa poitrine se gonfler, se serrer, il voudrait que tout sorte, que son coeur se desserre. Il n’ose pas approcher sa main de cet inconnu. Est-ce que ce lieu a jamais été habité par quelqu’un d’autre ? Alors son esprit suspendu au-dessus du vide observe cette scène et se souvient qu’il faut redoubler d’effort pour rester en vie.
Un texte de Sandra Mauri
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